L’Esprit d’Aire de famille

L’esprit ça ne se voit pas, ça n’a pas de forme. L’esprit ça se sent, ça se ressent, ça s’entend, ça s’écrit, ça circule entre les lignes, entre les mots, entre les êtres humains.

Quand on entrait dans le salon d’Aire de famille, on ressentait.

On sentait un climat chaleureux où circulait du plaisir. Ce climat s’exprimait dans l’ameublement des lieux et s’entendait dans la liberté de ton de ceux qui occupaient les fauteuils, les canapés, dans le jeu des enfants. Ceux qui se posaient là, autour d’un café, étaient comme chez eux : des résidents ça réside. Ils se logeaient dans ces canapés choisis pour leur gaité, leur confort. Des jeux, des jouets au milieu disaient l’importance de   l’attention portée aux enfants.

Ceux qui étaient là aussi étaient ce qu’on appelle des professionnels. Il était possible également de les trouver dans la cuisine, dans la salle de bains avec un bébé et ses parents, dans leurs bureaux à canapés aussi, il y avait le salon rouge et le salon bleu ; la psychologue avait choisi des sièges de metteur en scène jaune safran.

Toujours l’un d’entre eux, au hasard de sa disponibilité, de ses traversées du salon, prenait le temps de s’attarder à une conversation, prenait le temps d’une attention à un enfant ou tout simplement se posaient aussi, avec eux, en contact, à l’écoute, en présence.

Chacun vaquait à ses occupations tout en étant très attentif à ce qui se vivait dans cet espace nommé centre.

Les résidents passaient souvent par ce centre comme par un passage incontournable de leur journée. Ils y séjournaient parfois matin et après-midi se procurant ainsi une présence dont ils avaient faim.

Du plaisir, une liberté de parole, un confort, de l’attention, du travail, est-ce cela un esprit ? un style ?

Brigitte Chatoney, créatrice et réalisatrice de ce lieu expérimental s’est fondée sur une parole entendue.

Dans cette parole, Brigitte Chatoney a entendu le désir qui y était lié : « être aidée à m’occuper de mon enfant avec mon compagnon ». En créant « Aire de Famille », Brigitte Chatoney a engagé son désir professionnel du côté du couple, d’un couple en devenir parental.

On remarque ainsi que le désir se situe autant du côté du professionnel que du résident. On remarque aussi que la question du désir est au fondement de cet esprit. Si les résidents se donnent une visée : devenir un père, une mère à même de choyer et d’éduquer, qu’en est -il du professionnel ?

 A la lecture du contrat de séjour, des projets d’accompagnement rédigés par ou avec les résidents, on comprend que le désir du professionnel est d’accompagner le désir de ceux qui sont venus demander une aide particulière, une aide à devenir et plus précisément à devenir les protecteurs de leur enfant.

Accompagner, faire le chemin avec, être les témoins de leur compétence, de leur courage, ce courage nécessaire au soutien du désir.

Les résidents venaient trouver leur courage auprès des professionnels. Quotidiennement, sans cesse, ils interrogeaient la confiance qui leur était faite.

On entend bien ici l’Aire de Famille. Il ne s’agit pas d’en avoir seulement l’air mais d’acter une surface transférentielle où la demande et le désir infantiles peuvent se rejouer autrement. Dans ce mot rejouer on entend la mise des résidents, on entend le mot jeu ; le jeu c’est ce qui amène à perdre et à gagner, c’est aussi la souplesse nécessaire au fonctionnement d’un rouage. C’est également ce qui préside à l’humour ; jouer avec les mots, rire de soi, porter un regard transcendant sur soi-même. Or le jeu, l’humour, était présent dans tous les actes de la vie de l’accompagnement qui se tissait, trouvant ainsi sa souplesse et souvent sa bonne humeur. Les accrocs, les déchirures tentaient toujours d’être des occasions à l’approfondissement. L’approfondissement est à entendre ici comme l’accueil de la nouveauté que représentait cet engagement des professionnels pour ces jeunes. Les résidents confrontaient quotidiennement les professionnels à la vérité de leur engagement auprès d’eux. La vérité de l’engagement professionnel, c’est soutenir une éthique et pour ça aussi il faut du courage, de la détermination. L’éthique transcende la morale mais aussi la croyance que le professionnel, celui qui est là pour aider, aurait des pouvoirs ou des capacités supérieures à ceux des résidents. Il y a dissymétrie entre les professionnels et les résidents mais elle ne se loge pas dans du plus ou du moins. Elle ne se loge pas dans un déficit d’un côté et une capacité de l’autre. La dissymétrie dont je parle, ni position ni posture est le produit du chemin singulier de chaque professionnel. Ce produit est un savoir acquis par l’expérience, la pratique ; ce produit est un écart.

Il n’y a pas symétrie au sens de réciprocité ou vases communicants. Il existe un écart comme dans toute relation qui essaie d’être vraie.

Chaque professionnel, mené par son désir de cheminer avec un autre a pu découvrir que ce travail le modifiait, que ce chemin de vie est mouvement ouvert à la transformation. Cette dissymétrie est aussi ce que j’appelle la grande différence, celle qui trouve un passage hors de la binarité : « aidants / aidés, favorisés / défavorisés, handicapés sociaux / nantis sociaux. Cette grande différence est le pas d’avance des professionnels qui savent qu’ils sont eux-mêmes en processus de changement, que même d’un drame on peut faire quelque chose. Au centre parental était régulièrement exprimé ce que la confrontation aux résidents avait produit comme changement chez chacun mais aussi et c’est très important, dans les relations entre professionnels. Ce qui a été souligné dans cette expérience est que les professionnels apprennent des résidents. Des deux côtés œuvrait une conception transcendante que je peux définir aujourd’hui comme la vérité de l’engagement. C’est à cette aulne, et non à celle de la culpabilité « j’ai bien fait, je n’ai pas bien fait » que les remises en question se faisaient. La re-mise en question c’est littéralement « miser une nouvelle fois » modifier le point de vue, réouvrir la question. Voilà en quoi les erreurs, et non les fautes pouvaient contribuer au chemin. Ainsi entre les professionnels aussi, la confiance était l’ingrédient essentiel. C’est, appuyé sur le vide de la mise en question, que le travail était le plus productif. Le vide, ici, serait à entendre du côté de l’ouverture à l’inconnu, au nouveau. Cette vérité d’engagement a l’immense avantage d’oublier une position de surplomb. Comme pour les résidents attelés à leur désir de devenir parents, les professionnels étaient attelés à leur visée qui souvent correspondait à un renversement des discours des formations initiales. Ainsi confiance et engagement étaient des ingrédients essentiels de la vitalité de cet esprit.

Un autre composant était celui de la singularité.

La singularité reste énigmatique. Qu’est ce qui fait qu’aucun être humain n’est semblable à un autre ?

La singularité, c’est la particularité de chacun, c’est ce qui fait dire que personne n’est remplaçable, qu’au contraire chacun est unique. C’est la présence de la pépite dont Brigitte aimait parler : trouver en soi ce qui est précieux ou du moins pouvoir se penser précieux, valable, aimable. Pouvoir penser que ce que l’on désire accomplir est précieux, c’est ce que distillait la rencontre avec les professionnels. La distillation est un processus lent, un processus de transformation qui n’est visible, sensible qu’au moment de la production.

 La distillation est un procédé de séparation de mélange de substances liquides dont les températures d’ébullition sont différentes. Elle permet de séparer les constituants d’un mélange homogène ; il s’agit, par la chaleur, d’obtenir d’autres produits qu’il ne contenait pas.

La chaleur. Celle de la tendresse n’était pas oubliée au centre parental.

La « force de la tendresse » disait Bernard This. Quand on est professionnel, le mot amour est souvent un gros mot. Il ne faudrait pas aimer ou, pas trop. Pas trop, bien sûr, mais aimer doit-il être banni pour autant ?

Qu’est-ce qu’aimer trop un résident ? Tout lui passer, comme un enfant à qui l’on ne sait pas dire non ? ou un frère, une sœur, une mère, un père ou soi-même ?

Peut-on s’empêcher d’aimer ou de ne pas aimer ? Ce ne sera jamais pareil et il ne se passera jamais la même chose avec chacun. Mais aimer faire ce travail n’est-ce pas aimer la rencontre ? aimer qu’il se passe quelque chose avec quelqu’un ? Peut-il se passer quelque chose si l’on n’est pas aimant d’emblée ? La tendresse est vitale pour l’être humain. L’enfant peut mourir d’être délaissé, on le sait. L’adulte peut survivre mais vivre ? aimer ? la question de la tendresse est fondamentale. Les résidents du centre parental souffraient de difficultés affectives, pas de maladies organiques ou de handicaps. Derrière leur demande d’aide à aimer et choyer leur enfant s’exprimait simplement la question de l’amour, de leur demande d’amour et de leur désir d’aimer et de s’aimer et donc bien sûr aussi de leur couple amoureux. Allons-nous réussir à nous aimer ? Nous ferons nous la guerre ?  Serons-nous violents ou abandonniques comme nos parents ? Jamais la question de l’amour parental n’a oublié celle de l’amour entre homme et femme. N’est-ce pas avec des adultes privilégiés que le petit d’homme apprend à aimer ?

 La notion de transfert est connue dans nos milieux professionnels mais les équipes éducatives la reprennent elles à leur compte ? Serait-elle réservée aux seuls analystes ? Le transfert c’est de l’amour et ça fonctionne dans les deux sens. Le centre parental avait ses limites, sa proposition était limitée mais une fois le désir d’engagement formulé de part et d’autre, il vivait la vie de tous les engagements. Il est arrivé que chacun suive son chemin l’un sans l’autre.

Changer la donne est un esprit et c’est ce qu’une équipe peut partager et mettre en acte.

Les résidents jouaient leur partie, ils le savaient et nombreux sont ceux qui ont bien joué.

L’esprit, finalement, ne serait-ce pas notre capacité à inventer ?

  Régine Le Beller-Deshays

Psychologue, psychanalyste à Aire de famille

La tendresse est vitale
pour l’être humain

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